La rue des brodeuses

Vision d’une rue escarpée de village espagnol à dominante bleue verte que gravit au centre de la toile une femme en noir avec son âne chargé de ballots. Au fond, une maison orange en pleine lumière dresse sa cheminée vers un ciel bleu implacable. Des brodeuses assises au premier plan, à gauche et à droite, à l’ombre de leurs pas de portes, complètent la scène.

La toile est un patchwork de zones au soleil et de zones à l’ombre, construit aussi bien par l’usage alterné de couleurs froides (bleu, blanc et vert clair) et chaudes complémentaires (orange, rose et jaune) que par des mises en perspective exagérées des bâtis des maisons dans une ruelle peinte comme une vallée glaciaire en U.

Les coups de pinceaux et le choix des couleurs traduisent les énergies brutales que se livrent les ombres et les lumières qui, comme les hommes et leurs bêtes, façonnent chaque jour depuis des siècles la beauté aride de ces villages espagnols.

Chaise de la manola

Cette nature morte originale d’une chaise « habillée » d’une mantille noire et « chaussée » d’escarpins blancs à talons témoigne de l’attachement du peintre au folklore populaire espagnol plus que jamais vivant dans l’Espagne des années 60.

La couleur rouge grenat du siège de la chaise ajourée en bois noir et du tissu sous la mantille est valorisée par les couleurs froides, verte et bleue, au sol et au mur en arrière-plan.

Portée comme une écharpe tricolore, la belle mantille traverse la toile de biais et les chaussures rangées sous la chaise nous questionnent sur la manola.

Hommage à Goya, portrait de Juana-Mari à l’éventail

Portrait en pied d’une espagnole aux cheveux noirs courts, répartis des deux côtés de la tête, vêtue d’une jupe blanche étroite à volants se terminant aux genoux et d’une blouse rouge vif.

Assise derrière l’armoire à pointe de diamants caractéristique de l’atelier parisien de l’artiste, à côté d’une table ronde recouverte d’une grande nappe jaune et d’un petit  bouquet, les yeux mi-clos, les mains réunies sur sa jupe avec un éventail jaune à la main droite, le modèle semble attendre le dos légèrement vouté la fin de la pose que l’on devine longue pour permettre à l’artiste de saisir les reflets de lumière sur le corsage, les bras et les jambes nues du modèle, laissant dans l’ombre le visage de la jeune femme.

Les couleurs chaudes jaunes dominent avec des rouges éclatants pour le corsage et les souliers. Les pinceaux de lumière, jaune sur le tapis et blanc sur le mur, en bas et à droite de la toile en réponse à la nappe jaune de la table, semblent entourer le modèle telle une mandorle.

Le titre choisi « Hommage à Goya » témoigne de la profonde admiration de l’artiste pour le maître espagnol, dont une des dernières toiles « La laitière de Bordeaux » pose une jeune femme dans la même attitude voutée.

Le modèle est Juana-Mari, étudiante espagnole à Paris, fille de son amie de jeunesse Maria-Eugénia Huder, qui accueillit souvent l’artiste lors de ses nombreux séjours à Pampelune en Espagne. Elle sert souvent de modèle dans les compositions de l’artiste.

Agreda

Agreda (province de Soria en Castille-et-Léon, au centre de l’Espagne) est posée au centre de la toile avec sa tour caractéristique du Castillo Muela et sur la droite l’église Santa Maria. Mais les montagnes en fond de toile et toutes les collines environnant Agreda semblent être le vrai sujet de l’œuvre.

Si le bleu est bien utilisé pour le ciel en haut de la toile et sur quelques maisons, c’est la palette des couleurs chaudes qui domine largement : des jaunes, des ocres, des oranges, des roses, des rouges et des bruns servent à l’artiste à modeler les formes du terrain qu’il soit sous la lumière ou dans l’ombre.

La succession des touches de pinceau quasi-abstraites au gré de la vision du paysage joue des formes et des couleurs pour nous séduire et nous faire prendre le temps d’y cheminer, comme le paysan et son âne sur la droite de la toile.

La ruelle, San Esteban de Gormaz

Merveilleuse petite huile sur toile, toute en hauteur, d’une ruelle de la ville de San Esteban de Gormaz dans la vieille Castille aboutissant à une église.

L’œil initialement attiré par la profondeur de la ruelle vers l’église, redescend en vertical dans l’axe du clocher vers les trois femmes qui discutent, assises à l’ombre au premier plan sur le pas de leur porte, humanisant la scène.

La perspective exagérée des petites maisons blanches de chaque côté de la ruelle et la couleur jaune orangée rouge retenue pour peindre la surface de cette dernière, impose de façon originale la présence de cet élément du paysage avec autant de force que l’église à laquelle elle conduit, semblant témoigner que le chemin a autant de valeur que sa destination.

Le découpage des masses, les touches de pinceau articulant ombre et lumière, ciel et terre, couleurs chaudes et couleurs froides, font de cette toile en « nœud papillon » un témoignage de la force des paysages espagnols dans l’œuvre de l’artiste.

Maneru

Ce paysage du village espagnol de Maneru (province de Soria en Castille-et-Léon) illustre parfaitement le style espagnol de l’artiste qui bâtit ses toiles de paysages avec des touches visibles de pinceau issus d’une palette très majoritairement composée de couleurs chaudes : des sols jaunes et ocres terreux illuminés de soleil, des montagnes aux flancs rougeoyants.

Les maisons de Maneru surplombées par son église s’enfoncent entre des collines d’un jaune éclatant au premier plan et d’un rouge chaud moins lumineux en arrière-plan. Un ciel nuageux de couleurs bleue et blanche teintée de rose roule dans le fond supérieur de l’œuvre.

Mis en scène avec des plans successifs de couleurs, ce paysage est un vrai plaisir pour l’œil qui se balade au gré des différentes déclinaisons du sol.

Juste quelques chevaux à peine suggérés animent le paysage et lui rendent toute sa grandeur.

Puente la Reina

Duo énergétique de couleurs chaudes et froides pour ce paysage de Puente la Reina, ville de Navarre, avec ses deux églises : à gauche au premier plan l’église du Crucifijo et au centre au second plan le clocher de l’église Santiago el Mayor émergeant de quelques maisons de la vieille ville.

Le ciel nuageux bleu et blanc qui occupe toute la partie supérieure de la toile, place dans l’ombre l’église du Crucifijo et la colline en arrière-plan sur la droite. Par contre, les bâtiments autour de l’église Santiago el Mayor au centre de la toile et les terrains du premier plan restent inondés de soleil.

Deux axes de vision traversent la toile : d’abord l’alignement des deux églises s’enfonçant à l’horizon sur la droite, puis la ligne de découpe sur le ciel de l’église du Crucifijo s’enfonçant dans le sol dans l’axe d’un petit chemin.

Les nuages gonflés de pluie et l’alternance des zones d’ombre et de soleil nous font sentir le caractère agité de la scène et rappellent peut-être les violents orages subis par cette terre espagnole.

Un âne au pied d’un tas de foin doré témoigne du caractère intemporel des pierres des siècles passés qui, enracinées au sol, résistent au temps qui passe, aussi venteux soit-il.

Le torero vert, la prière du torero

Très belle composition d’un torero, debout, en prière, avant la corrida, peint de profil, main droite sur la poitrine, devant une petite madone dont les bougies éclairent la pièce et créent une ombre bleue-verte sur le mur derrière l’homme.

Sa cape et son chapeau posés en offrande sur l’accoudoir d’un prie-Dieu, le torero est recueilli, immobile, campé sur sa jambe droite.

Des verticales et des diagonales structurent tout l’espace : les coins de l’angle de la pièce où se déroule la scène, le siège du prie-Dieu, l’estrade où le torero a posé son pied gauche, mais aussi la direction du regard baissé de l’homme et celle du bas de sa jambe gauche, qui convergent toutes deux vers la madone.

L’ombre de la mort est derrière le torero, mais son habit vert de lumière et sa foi l’en protègent.

Peut-être, une métaphore de la peinture de lumière que pratique avec passion Germaine Lacaze, certainement un hommage à l’esprit de défi engageant toute une vie et a minima une célébration d’un rituel espagnol par ce peintre profondément hispaniste.

Cette toile permit à Germaine Lacaze de passer en 1957 sociétaire du Salon d’Automne, salon auquel elle participa fidèlement jusqu’en 1993.

Tolède : Virgen del Valle au soir

Superbe vue panoramique toute en couleurs chaudes de Tolède surplombant un Tage aux tons vert et bleu outremer.

Sous un ciel au coucher incandescent, la cathédrale Santa Maria et les maisons de la vieille ville aux murs bleus et aux toits rouges émergent en haut de la toile entre deux collines, dont celle de l’Alcazar à droite à peine ébauché. Au centre, une petite route s’écoule aboutissant au premier plan, en bas de la toile, à quelques maisons au bord du fleuve.

Les formes triangulaires qui structurent le paysage convergent au centre de la toile, qui, en s’avançant vers le spectateur, donne au premier plan un très bel effet de loupe souligné par la courbe du Tage. Les touches colorées du pinceau de l’artiste construisent aussi bien les bâtiments que les flancs nus terreux des collines et les pans d’un ciel flamboyant au soleil du soir.

La palette dominante des jaunes, des ocres et des oranges rougeoyants, mis en valeur par les touches de bleus et de verts, donne à cette toile une chaleur irradiante symbolisant parfaitement la fascination qu’a exercée sur l’artiste le monde espagnol.

Paysage souvent peint par les peintres amoureux de l’Espagne, la très belle vision de Germaine Lacaze privilégie à la fois la couleur et la forme.