Autoportrait, racines

Le peintre peint son reflet, entouré des thèmes de son inspiration : le soleil couchant sur la dune du Pyla, les reflets verts de l’eau du Bassin d’Arcachon, les couleurs chaudes des toitures d’un village espagnol, les grands pins des Landes et le cèdre bleu du jardin de sa maison à Villeneuve-le-Comte. Une chaise lorraine, un livre de Cervantès et un bouquet de branches d’arbousiers et de figuiers composent le premier plan.

Les yeux noirs du peintre, auréolés d’une chevelure brune bouclée et d’un col noir sous sa blouse d’artiste, se détachent nettement du visage sobrement traité. Les mains de l’artiste tiennent les « outils de sa passion », le pinceau dans sa main droite et le chiffon dans sa main gauche.

Jacques Chaban-Delmas avait confirmé ces correspondances entre ces racines en écrivant dans la préface de son catalogue raisonné : «Germaine Lacaze vous dira qu’elle a peint l’Espagne parce qu’elle a retrouvé la lumière de notre Bordelais et les chaudes vibrations des Landes. »

Autoportrait de la maturité, cette peinture d’un miroir qui réfléchit les sources d’inspiration du peintre devient un testament pictural : l’œuvre d’art est une création cérébrale issue de l’assimilation des émotions de la nature environnante, dans l’espace-temps d’une vie.

Cette toile a reçu le Grand Prix de la Fondation Taylor en 1979.

Paulette à Villeneuve, portrait

Le portrait de cette femme blonde aux yeux noirs, sagement assise à une table où sont disposées des fruits et des fleurs, utilise une palette de quelques couleurs dominantes traitées en tons clairs et foncés. Pour les couleurs chaudes : le blond des cheveux, le jaune clair rosé de la peau et de la nappe, l’orange des cerises, des abricots et de la boîte de dominos ; pour les couleurs froides, trois dominantes également : les verts du feuillage environnant, les bleus lumineux de la robe et les bruns des yeux et des raisins.

Les violets des fleurs et de la serviette complètent l’équilibre des couleurs. La composition triangulaire et stable du personnage sur la gauche s’articule avec le demi-cercle de la table et des objets qui y sont posés dessus. Le sourcil interrogateur du modèle, son visage délicatement soutenu, entourent un regard songeur posé sur le peintre et sur nous.

Ce beau portrait où les reflets de la lumière et de l’ombre font si bien vibrer les couleurs, traduit une évidente admiration entre le peintre et son modèle.

Le modèle est Paulette Le Bitoux, née Lacaze, la cousine germaine de l’artiste, fille de Charlotte et d’Edmond Lacaze, frère de son père.

Michèle à la charlotte

Eclatant portait de cette jeune femme au grand chapeau qui frappe par sa structure en spirales imbriquées aboutissant aux yeux noirs du modèle. Comme le bouquet et le portrait, chapeau et buste se répondent dans un équilibre spatial qui semble tenu par le seul regard féminin.

La charlotte, hymne au soleil, inonde la toile et fait vibrer le bleu du sol, le jaune de la table et le noir des yeux et des cheveux.

La nature morte à peine ébauchée met en relief les yeux soigneusement maquillés de la femme dont le regard détourné nous renvoie à l’extérieur de la toile comme une invitation à la vie qui suit la séance de pose.

Le modèle, Michèle Seeberger, est la seconde filleule de l’artiste, fille de son ami d’enfance, Albert Seeberger, descendant d’une célèbre famille de photographes français.

La duègne, portrait de Denise Gence, sociétaire de la Comédie-Française

Ce très beau portrait en buste représente la comédienne Denise Gence vue de profil, son œil immense bien ouvert avec sa grande pupille, vêtue en duègne espagnole – celle de Ruy Blas de Victor Hugo – tout en satin noir si ce n’est un foulard blanc autour du visage se terminant en écharpe. Toquée d’un couvre-chef original, elle tient face à nous son masque blanc auréolée de dentelle, pour – on l’imagine bien – déclarer masquée sa flamme à Ruy Blas avec sa voix si caractéristique.

Toute en nuances colorées mais seulement avec du noir et du blanc (bleuté parfois), cette toile, avec ses deux seuls visages qui rayonnent sur des fonds ou dans un costume peints « à la Soulages », rappelle le don immense de l’actrice pour la métamorphose de femmes âgées, acariâtres ou déraisonnables.

Passionnée de théâtre, Germaine Lacaze fait en 1965 toute une série de portraits de comédiens, dont Georges Chamarat en Harpagon, Bérangère Dautun en Rodogune, Catherine Hubeau en Agnès et Paule Noëlle dans un rôle de Labiche.

Les portraits de Georges Chamarat et de Denise Gence sont accrochés depuis 2011 à l’étage Samson de la Comédie-Française.

Portrait de Pierre-Camille Lacaze à Villeneuve-le-Comte

Ce grand portrait d’homme en costume est traité en touches rectilignes et en couleurs sombres que vient souligner la délicate pochette blanche.

La solide composition rythmée par la position du corps du modèle bien assis dans son fauteuil est allégée par le petit bouquet de fleurs et par les pages du livre ouvert devant lui qu’on imagine tournant au vent de la fenêtre ouverte.

Sérieux de l’habit et sobriété de ses couleurs en feraient presque un portrait officiel, s’il n’était transfiguré par l’esquisse du sourire du modèle au peintre traduisant une évidente complicité et par les riches traitements en camaïeu du jardin en fond de toile, de la nappe colorée et du tapis au sol qui entourent le modèle de vibrations colorées.

Se répondant sans s’assembler, ces vitraux lumineux mettent en valeur dans les trois dimensions ce portait élégant d’un homme imperturbable.

Le modèle est Pierre-Camille Lacaze, petit-cousin de l’artiste, qui fit ses études universitaires parisiennes en logeant chez l’artiste durant les années 60, avant de devenir professeur de chimie de l’université Pierre et Marie Curie de Paris VI.

Marie – Intérieur

Cette très belle aquarelle met en scène une femme brune, robe à carreaux verts et tablier bleu à décors rouges, en train de coudre. Assise, les jambes croisées en bas bruns et chaussons bleus, le modèle se détache derrière une table recouverte d’une nappe rouge  et d’un bouquet à peine esquissé.

Le traitement en perspective du sol à grands carreaux noirs donne de la profondeur à la composition. Les plans se succèdent sur la première diagonale montante de gauche à droite, le corps et les jambes du modèle constituant la seconde diagonale.

Un paravent à croisillons bleus sur la droite renforce la verticalité de l’œuvre. La tête tournée sur la droite, seule zone plus informe de la feuille, le regard porté sur une horizontale, le modèle sourit et nous laisse admirer cette scène intimiste très bien construite.

Des couleurs vives – des bleus outremer, des rouges vif – excitent notre regard partout où il se porte. Le chausson bleu du pied droit défait ajoute une touche très humaine au portrait de Marie.

Le modèle est Marie Fohrer, née Lacaze, petite cousine de l’artiste qui sert de modèle dans de nombreuses compositions avec figure.

Le modèle au repos, Micheline à l’atelier

Ce somptueux portrait tout en couleurs chaudes d’un modèle assis en combinaison blanche et déshabillé jaune est d’abord un hymne à la beauté féminine.

La peau bronzée des jambes dénudées, celle du buste et du visage de la femme sont mises en valeur au milieu d’un intérieur qui est celui de l’artiste avec des toiles, un guéridon sur laquelle est posé un buste mailloté d’un linge.

Le modèle que nous regardons et qui est peint dans toute sa beauté, se regarde à son tour dans le miroir d’un poudrier. Jeu d’embellissement réciproque, l’artiste farde la vision de son beau modèle se mettant du rouge à lèvres.

Le modèle est Micheline Pannebiau, dite « Michou », petite cousine de l’artiste qui a servi de modèle dans plusieurs toiles. C’est lors de ses séjours chez ses parents au village de La Teste, jouxtant Arcachon, que Germaine Lacaze a peint de superbes  plages, compositions et jardins du bassin d’Arcachon.